Chez toi ou chez moi

Publié le par maison-latger

 

 

Il arrivait souvent que je ramène quelqu'un chez moi.
Au feeling. Dans les brumes du whisky. Il pouvait m'en rester.
Du feeling je veux dire. Juger si telle ou telle personne était digne de confiance.
Oh. Certes. Vous imaginez bien. Pas d'une confiance au point de leur confier les clés,
ou les enfants que je n'ai pas, bien entendu, mais enfin, tout de même, un minimum.
C'est toujours un peu spécial, même ivre-mort, de faire entrer des inconnus chez soi.
La politique à vrai dire était la suivante, quand il y avait une urgence à consommer,
cela pouvait aussi bien se faire sur place, dans le bar ou la boîte, on peut se débrouiller,
d'autant plus dans les clubs où cette éventualité est anticipée, gérée, voire organisée.
Mais, au feeling toujours, il pouvait arriver que l'on ait envie de passer la nuit ensemble,
de pouvoir se mettre à l'aise à l'écart, loin du lieu où il était permis de se rencontrer.
Ma politique donc, dans ce cas de figure, était d'inviter chez moi les personnes qui,
pour une raison ou une autre, expliquée ou non, ne pouvaient pas me recevoir chez elles.
Ce qui veut dire que les situations où je suis rentré chez moi avec quelqu'un,
situations que j'évitais autant que possible, de préférence, bien que fort fréquentes,
au point que je ne saurais en estimer le nombre, étaient relativement exceptionnelles,
n'étaient pas l'ordinaire, lorsque j'allais le plus souvent chez qui voulait de moi.
Il était plus simple et facile à mes yeux, même bourré, de partir de chez quelqu'un d'autre,
lorsque m'en prenait l'envie, que de chasser quelqu'un de chez soi quand vous en avez assez.

A Perpignan, à Bordeaux, à Montréal, à Toulouse, à Barcelone, à Paris...
peu importe l'adresse, lorsque j'en ai eu une comme vous le savez dans toutes ces villes
à un moment ou un autre de ma petite vie, c'était le même business. Le même procédé.
Si je sortais d'abord pour me défoncer la tronche, prendre ma murge au whisky-coke,
je sortais aussi pour caresser des gens, faire des bisous, des câlins, rouler des pelles,
bouffer éventuellement des culs et des sexes, et, pourquoi pas, rencontrer des gens.
Cette dernière option était, je le crains et de loin, la moins recherchée.
Car enfin j'avais déjà une famille, des amis, et me plaisais dans ma vie de célibataire.
J'étais entouré de gens merveilleux, fiables, fidèles, présents, aimants,
et n'éprouvais pas le besoin de me lier forcément ni d'agrandir mon cercle.
Pas de carences affectives. Outre mon besoin d'alcool, mes besoins étaient sexuels.
Ni plus ni moins. Et s'il pouvait y avoir d'agréables surprises ou d'heureuses rencontres,
auxquelles je ne me refusais pas, et des gens parmi elles avec qui je me suis lié d'amitié,
pris de réelle affection ou de vague sympathie, mes partenaires n'étaient que des coups,
des one night stands, que je ne reverrais plus - ou ne reconnaîtrais plus - le lendemain.
Je ne parle même pas des groupes auxquels je me suis mêlé pantalon et caleçon aux chevilles,
dans les salles plus ou moins éclairées où je ne distinguais pas même les visages,
des établissements qui permettaient ce type d'attroupements lascifs ou lubriques.
Plus il y avait de monde bien sûr, plus j'étais content, et sentir sur moi des dizaines de mains
et de bouches empoigner, lécher ou sucer ce qu'elles pouvaient des parties de mon corps
était toujours un ravissement, dans cette position de pur objet sexuel ou objet de plaisir,
avec la satisfaction de faire du bien aux autres et un peu celle de me dégrader moi-même.
Il fallait que ce soit pervers et sulfureux pour être intéressant.
Quand outre les partouzes, les relations devaient toujours avoir quelque chose de tordu
pour attiser ma curiosité, m'attirer, et emporter le morceau, même en état d'ivresse.
Je ne sais pas combien de personnes sont venues à l'appartement rue Fontaine Na Pincarda.
Combien cours de l'Yser à Bordeaux. Combien rue St-Timothée à Montréal.
Lorsque des visages me reviennent clairement. Et des situations précises.
Les doses d'alcool, entre autres choses, promettaient toujours des histoires baroques.
Je ne sais pas combien d'appartements, de maisons, de chambres d'hôtels j'ai pu écumer,
quand il y eut aussi quelques plans mémorables en voiture lorsque nous étions pressés,
sur le parking du Playa d'Argelès ou dans une rue de Manhattan en désespoir de cause.
Le plus souvent donc, je suivais une conquête chez elle, et me barrais ensuite dès que possible,
parfois par mes propres moyens, ce qui occasionnait aussi autant d'anecdotes sordides.
Je pouvais aussi raccompagner quelqu'un jusque dans sa chambre, où je trouvais une surprise,
ce qui n'était pas pour me déplaire : une tierce personne qui semblait nous attendre, gentiment,
et les plans à trois, que j'affectionnais particulièrement, étaient d'autant plus voluptueux
lorsque c'est au milieu d'un couple qu'on m'accueillait alors comme jouet sensuel et sexuel.
Mon activité favorite était tout de même de faire jouir les gens. De les regarder jouir.
Lorsque l'alcool bien sûr ne m'avait pas ôté tout moyen de le faire.


 

 

 

Philippe LATGER
Janvier 2014 à Perpignan

 

 

Publié dans Et d'autres

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