L'heure d'été

Publié le par maison-latger

 

 

Il faut passer Montauban, il faut passer Toulouse.
Quand j'essaie de tenir ensemble deux êtres qui s'aiment et menacent de se quitter.
Il y a du vent, heureusement, pour chasser les nuages et agripper le soleil fermement.
A la Bourse, ce café, où j'ai tué tant d'heures de mes mains quand j'étais jeune homme.
Il faut passer Carcassonne. Il faut passer Narbonne. Pour revenir chez nous.
Lorsque j'y suis déjà, devant l'Hôtel de Ville où des gens dansent sur un jazz amical
qui swingue gentiment aux bourrasques bienfaitrices qui balaient devant nos portes.
Les doutes et les angoisses, la tramontane les emporte. Avec les promesses de pluie.
Que la météo n'aura pas tenues pour notre plus grand plaisir.
En terrasse, place de la Loge, je vérifie mon téléphone.
Voir si une amie ne m'a pas laissé de messages ou tenté de me joindre.
D'un même mouvement, je regarde l'heure. Et j'imagine la voiture avancer sur l'autoroute.
Villefranche de Lauragais peut-être. Ou déjà Lézignan-Corbières. Avant Sigean ou Salses.
Une pensée furtive qui m'illumine d'une forme de soulagement.
Je reviens aussitôt à la conversation que je n'ai pas lâchée. Sganarelle travaille.
Il n'aime pas le gâchis, a gardé un goût d'enfant pour les histoires qui se finissent bien.
L'amie que je verrai en suivant est malheureuse. Et l'on ne peut pas rester sans rien faire.
J'ai été dans l'habitacle qui défonçait la nuit à grande vitesse pour revenir au plus tôt.
Je revis, un an après, cette sensation d'isolement de la route et celle du bonheur d'être deux.
La voiture qui protège de l'extérieur. L'ivresse d'aller quelque part avec quelqu'un.
A la Bourse, je suis heureux. Et Sganarelle, égoïste, ne supporte pas qu'on ne le soit pas.
Fait du zèle pour accompagner la furie de la tramontane qui chasse les mauvaises ondes.
Nettoyons le ciel. Ménage de printemps. Débarrassons-nous de nos vieilles peurs archaïques.
L'actu, c'est l'avenir. C'est maintenant. Ce que l'on prépare pour soi et ceux que l'on aime.
Mes enfants, vous allez vous aimer nom de Dieu. Et danser sur le swing de nos vies déjantées.
L'heure est à la fête. Et je salue des gens à qui je n'ai jamais adressé la parole.
L'heure. Avant qu'on ne passe à celle d'été. Je la regarde. Du coin de l'oeil.
Fitou ? Rivesaltes ? Le péage de Perpignan-Nord ?... Mon amour, il y a du vent.
Et peu d'heures de sommeil. Attention sur la route. Fais attention à toi.
Je finis mon café avec de la détermination pour deux, de la détermination pour trois.
Je fais salon à la Bourse. Place de la Loge. Voilà des années que cela ne m'était pas arrivé.
Le gars en face de moi affiche un sourire de conquérant. Il a repris confiance. Et ça me plaît.
Bats-toi mon garçon. Les vents sont favorables. Je compte sur toi pour en profiter.
Etre heureux est à la fois ce qu'il y a de plus difficile et ce qu'il y a de plus simple.
Nous ne serions pas là à en parler si le verre était complètement vide.
Au moindre fond de bière ou de vin blanc, il y a toutes les raisons de se réjouir et d'espérer.
Si la vie est un réservoir d'essence, nous ne sommes pas sur la réserve. Le verre à moitié plein.
A l'entrée de Perpignan j'imagine. Peut-être sur la Pénétrante. Peut-être es-tu déjà chez toi...
Je regarde le navire fixé dans le ciel au coin de la Loge. Il fait beau. Et j'ai envie de dire merci.
Il y a des gens qui dansent et qui m'émeuvent en attendant seul mon amie qui ne va pas tarder.
A qui j'ai l'intention de rendre le sourire. Et des raisons sérieuses de s'accrocher aux branches.
Bats-toi ma chérie. Les vents sont favorables. Je compte sur toi pour être heureuse.
Sganarelle pense à son propre confort entre deux rendez-vous.
Ne veut pas de tristes mines qui gâcheraient sa fête. Pas en ce jour béni du changement d'heure.
L'été est fait pour l'amour, les amis, le partage et le vin. L'ivresse d'être ensemble.
Sganarelle est amoureux. Il se demande si tu es à la maison. Toi qui rentres chez nous.
Ton sourire merveilleux en tête. Ton regard de braise qui fait mon plein d'essence.
Avec lequel je pourrais rouler toute la nuit, toute la vie. Le bon vent dans les voiles.
Le ciel est avec nous. Et avec votre esprit. Pâques, c'est la résurrection.
Ce soir, on change d'heure. Ce soir, l'heure d'été.

 

 

 

 

 

Philippe LATGER
Mars 2013 à Perpignan

 

 

Publié dans 40 lunes

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