Une escale

Publié le par maison-latger

 

 

Voici longtemps que je ne sors plus le soir chercher la fraîcheur,
en pleine nuit, sous la lune, m'hydrater au crachin de la fontaine lumineuse
du Palais des Congrès dans ses palmiers californiens, faire mon tour de ronde,
sur la rampe gothique de St-Jean-le-Vieux jusqu'au parvis de St-Jacques.
Rêvant au lieu sacré de la Poudrière où la foudre est tombée,
aux jardins disparus des couvents, comme aux Rois de Majorque,
embrassant des voûtes étoilées pour l'apprenti astronome.
Je n'ai plus la brûlure d'une journée de plage, à sortir reposer aux duvets de la nuit.
La morsure que j'ai est celle de l'hiver. Dont la lumière ici est aussi aveuglante.
Un ciel pur d'un bleu franc, comme on en voit au Québec, nettoyé par le froid,
tendu et sans nuages, agrémente comme il peut des journées rétrécies,
quand les pluies de l'automne ont commis leurs dégâts, ont rincé les façades,
et que le soleil s'impose, même faible, pour singer le printemps jusqu'aux sables de la côte.
Mon platane a gardé comme sous-vêtements quelques feuilles accrochées.
Il n'y a pas eu de vent. Pas assez pour le raser de près et paraître crevé,
déjà prêt à reprendre sa foisonnante verdure.
Saint Jean dans sa blancheur,
posté sur l'ananas de marbre de la cathédrale est visible de mon bureau.
Je le salue en gagnant, engoncé, le boulevard et l'ample promenade, où des nus de Maillol
n'ont pas mis leur gilet, font le tapin à poil au milieu de brocantes, sans la trace d'un frisson.
Racolage passif. La police indulgente. Et je fends ce poumon couvert de feuilles mortes.
Souriant aux couples qui ont sorti leurs poussettes, profiter du beau temps entre les entonnoirs,
je retourne dans les murs de mon coeur médiéval, aux escaliers d'avant la Porte Notre-Dame.
Heureux de trouver face au Zinc un nouveau lieu charmant, où nous pourrons dîner, bavarder,
prendre un verre, au dédale de ma ville en pierres de rivière, la médina " déglingue ",
le décor de l'histoire de mon amour pour toi.

Je n'aurai pas le temps de m'habituer à cette petite mort, que Noël sera là, après la Ste-Luce,
que nous aurons passé la frénésie du shopping à la rue de la Barre, et qu'il faudra déjà
revenir aux fontaines, à la plage, à la mer, échapper au vertige autant qu'à la chaleur.
Le Palmarium bruissant aux clameurs de l'été, Arago surpeuplé aux ors du crépuscule.
Le retour des touristes et des festivaliers.
Se souriant entre les photophores et les verres de Muscat.
Quelque chose me dit, aux petits seins de la Loge, ses poignets délicats,
si loin des Tuileries, que nous nous verrons toujours, que je t'attendrai encore,
au balcon de mon nid et de mon campanile.
L'hiver n'est pas grand-chose.
Une escale sans doute pour prendre le temps de rêver à l'été qui arrive.
A ce que nous ferons pour célébrer la vie.
A ce que l'on invente pour nourrir le bonheur boulimique.
Qui nous attend stoïque à l'autre bout du gué.
Je traverserai décembre et son milieu stérile, avec la fièvre de celui qui prépare ses bagages
et son plus bel amour comme un nouveau voyage, lorsque je suis déjà à sa destination.
Le plaisir est courant dans la préparation. Il commence aujourd'hui, au confort de ma chambre.
Quand novembre s'en va. Que je l'en remercie.
Et qu'avec émotion pourtant, je le vois s'éloigner
et le laisse partir.

 

 

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

Publié dans 40 lunes

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